Cession de droits sociaux – La nullité des seules clauses limitatives d’une garantie d’actif et de passif : vers une nouvelle action en cas de dol ?
Une réticence dolosive semble désormais pouvoir entraîner l’annulation partielle des clauses venant limiter une indemnisation conventionnellement prévue entre le vendeur et l’acheteur. Décryptage de l’arrêt de la Cour d’Appel de Caen du 24 février 2022 par notre équipe Contentieux.
Jusqu’à présent, en cas de dol commis à l’occasion d’une cession de droits sociaux, la jurisprudence offrait une option à deux branches à la victime entre :
- une demande fondée sur l’annulation du contrat de cession, avec inopposabilité des limitations conventionnellement prévues par la garantie d’actif et de passif, et indemnisation des préjudices consécutifs, sous réserve de leur caractère réparable ;
- une demande de réduction du prix de cession, à titre de dommages et intérêts, avec maintien du contrat de cession, laissant toujours ouverte la mise en œuvre de la garantie d’actif et de passif, sous réserve du respect de ses modalités, et notamment de ses limitations.
Dans une décision du 24 février 2022, la Cour d’appel de Caen, statuant sur renvoi après cassation (Cass. Com, 27 janvier 2021, n°18-16.418), semble toutefois ouvrir une nouvelle voie en admettant l’annulation pour dol des seules limitations d’une garantie d’actif et de passif (CA Caen, 24 février 2022, n° 21/00876), retenant notamment que « compte tenu du dol commis, la limite contractuelle de l’indemnisation du cessionnaire n’a pas, en application de l’article 1150 précité, à s’appliquer » et qu’il « [convenait] ainsi d’annuler cette clause en ce qu’elle limite l’indemnisation ».
Cette solution, quoiqu’exceptionnelle, n’est pas totalement sans précédent : un arrêt avait déjà laissé entrevoir une éventuelle neutralisation de telles clauses (Cass. Com. 20 janvier 2009, n°07-18.136). La cassation était toutefois intervenue au visa de l’article 455 du code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions.
Si cette nouvelle solution venait à être réitérée, le cessionnaire recherchant la réparation de son préjudice au titre du dol disposerait alors d’une nouvelle action particulièrement efficace. Il pourrait en effet obtenir une indemnisation sur le fondement d’une garantie contractuelle débarrassée de ses éventuelles limitations, sans souffrir pour autant des contraintes liées à une action délictuelle classique sur le fondement du dol, qui le priverait par exemple de l’indemnisation d’éventuelles pertes subies par la société cible, à défaut de lui être personnelles.