Requête 145: Panorama de jurisprudence – 2023
l’article 145 du Code de procédure civile
Sous certaines conditions, l’article 145 du Code de procédure civile permet à une société d’obtenir certaines pièces détenues par une autre société afin d’établir une faute et/ou d’estimer le préjudice en résultant et ce, avant d’engager une action en responsabilité et en réparation de ce préjudice. Cet article a donné lieu à de nombreuses décisions qui sont venues progressivement encadrer cette mesure probatoire.
En 2023, la Cour de cassation a encore rendu quelques arrêts intéressants.
Condition tenant à l’absence de tout procès en cours
Dans son arrêt du 26 octobre 2023, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a précisé que, lorsqu’une instance au fond est déjà en cours, il n’est pas nécessaire que les deux parties aux deux procédures soient identiques. Il suffit que la personne qui sollicite la mesure soit partie aux deux instances. En revanche, une demande reconventionnelle ne fait pas obstacle à une demande de mesure d’instruction en application de l’article 145, dès lors qu’elle a été formée postérieurement à la demande de mesure, même si l’instance en elle-même a été ouverte antérieurement (Civ. 2ème, 26 octobre 2023, 21-18.619, Publié au bulletin).
Effet de surprise et absence de débat contradictoire pour obtenir la mesure
Par un autre arrêt du même jour, la 2ème chambre civile a rappelé qu’une mesure d’instruction peut être ordonnée sur requête au détriment du principe du contradictoire, lorsque les circonstances de fait nécessitent l’effet de surprise. Tel est notamment le cas lorsqu’il est nécessaire de constater les agissements de concurrence déloyale et de parasitisme, commis par une société dirigée par les anciens salariés du demandeur, dont le départ était précédé par la consultation d’un certain nombre de documents internes avec un risque d’enregistrement de ces documents sur un support externe, ainsi que cela a été constaté par un rapport d’expertise privée (Civ. 2ème, 26 octobre 2023, 21-23.361).
Contrôle de la proportionnalité de la mesure
Par un arrêt du 28 juin 2023, la chambre commerciale a rappelé que les mesures légalement admissibles doivent être limitées dans le temps, dans leur objet et proportionnées à l’objet poursuivi. Tel est notamment le cas, lorsque le périmètre de la recherche des fichiers est déterminé par des mots clés précis dans une période bien précise. En outre, il n’est pas nécessairement porté atteinte disproportionnée à la vie privée, lorsque l’huissier est autorisé à pénétrer au domicile d’une personne en son absence et sans son autorisation, accompagné de deux témoins, étant donné que sans cela la mesure serait dénuée de tout sens (Com, 28 juin 2023, 22-11.752, Publié au bulletin).
Fin de l’immunité de l’avocat
Le 6 décembre 2023, la 1ère chambre civile de la Cour a jugé que le secret professionnel de l’avocat ne fait pas obstacle à une mesure in futurum, dont l’objectif est d’établir la faute de cet avocat. La Cour arrive à cette conclusion en rappelant que l’avocat peut s’affranchir du secret professionnel afin d’assurer sa propre défense (Civ. 1ère, 6 décembre 2023, 22-19.285, Publié au bulletin).
Impossibilité d’enjoindre la production d’une pièce qui n’existe pas encore
Dans un arrêt du 27 septembre 2023, la chambre commerciale a retenu que le juge ne peut enjoindre à une société de produire une pièce que cette dernière ne détient pas, ou en tout cas pas encore, même s’il n’existe aucun obstacle matériel ou juridique à l’établir ou à la créer (Com, 27 septembre 2023, 21-21.995, Publié au bulletin).