La violation d’une licence de logiciel relève de la responsabilité contractuelle
La société Entr’Ouvert a développé un logiciel qui permet à l’internaute de s’identifier qu’une seule fois pour accéder à plusieurs services/sites en ligne. Elle diffusait ce logiciel sous licence libre (GNU GPL version 2) et sous licence commerciale (en cas d’incompatibilité avec la licence GNU GPL, il faut adopter la licence commerciale, c’est notamment le cas lorsque le logiciel doit être intégré fortement à un logiciel propriétaire). La société Orange a décidé d’intégrer ce logiciel pour la réalisation du portail en ligne « Mon service public » qu’elle réalisait pour le compte de l’Etat. Dans ce cadre, Orange a intégré le logiciel d’Entr’Ouvert sous licence libre. Entr’Ouvert a estimé que cette pratique d’Orange n’était pas conforme aux conditions d’utilisation de la licence libre et a donc assigné Orange en contrefaçon de droit d’auteur.
En première instance, les juges ont déclaré Entr’Ouvert irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon. Selon eux, au nom du principe de non-cumul des responsabilités, seul le fondement de la responsabilité contractuelle était susceptible d’être invoqué par la société Entr’Ouvert. Ainsi, cette dernière demandait la réparation d’un dommage généré par l’inexécution des obligations contractuelles résultant de la licence et ne devait donc pas agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour obtenir réparation au titre de la contrefaçon. Entr’Ouvert a interjeté appel de la décision.
Les juges d’appel ont retenu que lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résultait d’un acte de contrefaçon, l’action devait être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l’article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle. Cependant, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résultait d’un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle était recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités. En l’espèce, la société Entr’Ouvert fondait son action sur le contrat de licence qui liait les parties. Ainsi, elle ne pouvait pas agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon.
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 2, 19 mars 2021, n° 19/17493