Harcèlement sexuel au travail : le sexisme s’infiltre dans la loi
Le 31 mars dernier, la loi sur le harcèlement sexuel s’est élargie avec la mise en application de sa nouvelle définition intégrant le sexisme. Concrètement, qu’est-ce que cela va changer ? Quelles conséquences pour les entreprises ? Et pour les victimes ? Décryptage par Anne-Lise Puget dans Welcome to the Jungle.
Harcèlement sexuel au travail : que dit la loi ?
Mais un comportement sexiste, c’est quoi au juste ? Alors que le harcèlement sexuel condamne des actes directs (propositions d’actes sexuels, pantalon baissé devant un·e collègue…), les « agissements sexistes » sont eux, plus larges et exotiques. Maître Elise Fabing nous partage quelques exemples traités par les tribunaux français : « Il peut s’agir de dessiner un sexe masculin sur le casier d’une femme, laisser un objet de forme phallique sur sa chaise, ou encore imiter des bruits de jouissances. » Classe. Et ce n’est pas tout : la loi ajoute également la notion de harcèlement de groupe et de pluralité des auteurs.
“ Concrètement, cela signifie que les actions isolées de plusieurs collègues pourront constituer, dans leur ensemble, une répétition et donc un harcèlement. Une “ambiance de vestiaire” entrerait dans le cadre de cette loi.”
Vrai bouleversement ou gros flop ?
Cette nouvelle loi est-elle une révolution pour le monde du travail ? Pas réellement. « Cette loi est innovante, mais en réalité, la doctrine et la jurisprudence intégraient déjà cette notion », commente Anne-Lise Puget. Même réaction en demi-teinte pour Elise Fabing, qui estime les condamnations réelles très limitées et peu dissuasives : « La condamnation moyenne pour harcèlement moral est de 7100 euros, et est plus ou moins similaire pour harcèlement sexuel. Le tout, pour plusieurs années de procédures. Cela n’incite pas les victimes à aller devant les tribunaux. » Si une condamnation pénale avec circonstances aggravantes peut aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, les tribunaux appliquent rarement cette peine, et la charge de la preuve reste plus lourde que devant la justice sociale.
De la nécessité de lutter contre les pratiques sexistes en entreprise
« La grande majorité des dirigeants sont conscients de la nécessité de lutter contre le sexisme. D’autant plus qu’ils sont conscients de ne pas être au quotidien derrière leurs salariés, ne pas être capables de tout voir et tout savoir », constate Anne-Lise Puget. C’est pourquoi – et depuis quelques années déjà – ses clients lui demandent de l’aide pour former les équipes d’encadrement : comment se traduit le harcèlement, quels sont les comportements à éviter, comment réagir lorsqu’un·e salarié·e remonte une alerte… Autant de questions qu’il est essentiel de traiter pour lutter contre des décennies de mauvaises habitudes.