Sommaire
A la suite des premières mesure prises par le gouvernement la semaine dernière, une loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été discutée du 19 au 22 mars dernier au Sénat, à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire.
Vous trouverez ci-dessous le détail des dispositions principales de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, qui sera promulguée le 24 mars 2020 au plus tôt.
Par ailleurs, et sans qu’il soit besoin d’y apporter plus de détail, une loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a aussi été discutée et adoptée au Parlement pour que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ne soient pas contraints, alors qu’il est difficile de réunir les formations de jugement, de statuer dans un délai déterminé sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) à transmettre ou non au Conseil constitutionnel.
Cette loi organique a pour seul et unique objet de suspendre jusqu’au 30 juin 2020 le délai impératif de 3 mois posé par les articles 23-4 et 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans lequel le Conseil d’Etat et la Cour de cassation doivent se prononcer sur toute QPC transmise par une juridiction ou poser directement à eux. Le délai de 3 mois dans lequel doit être traitée toute QPC transmise par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation est également suspendu, mais celui-ci n’est pas impératif.
Autrement dit, cela signifie que, à compter de la promulgation de la loi organique et jusqu’au 30 juin 2020, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation disposeront d’un délai de traitement qui pourra être supérieur à 3 mois, cette suspension s’appliquant aux affaires en cours. Ces QPC ont toutefois, selon les rapports faits par le Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale, vocation à être traitées, par ailleurs, tout justiciable demeure en capacité de soulever une telle QPC d’ici là.
On observera d’ailleurs que les juridictions demeurent pleinement mobilisées, le Conseil d’Etat ayant rendu hier dimanche 22 mars 2020 une ordonnance, 48 heures après le dépôt d’un référé-liberté par un syndicat de médecins sollicitant le confinement total pour limiter la propagation de l’épidémie. (CE, 22 mars 2020, Syndicat jeunes médecins, req. n° 439674).
Tout en rejetant cette demande de confinement total, le Conseil d’Etat a enjoint au Gouvernement de préciser certaines de ses mesures dont l’interprétation prête à confusion dans la population. Il s’agit en particulier des dérogations à l’interdiction des déplacements « pour motif de santé », sans autre précision quant à leur degré d’urgence, de celle pour les « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie », qui apparait trop large, notamment en rendant possibles des pratiques sportives individuelles, telles le jogging, ou encore du fonctionnement des marchés ouverts, sans autre limitation que l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes, dont le maintien paraît autoriser dans certains cas des déplacements et des comportements contraires à la consigne générale.
1. Création d’un régime d’état d’urgence sanitaire
Les premières mesures de confinement décidées la semaine dernière ont été prises sur une base juridique fragile, comme cela ressort des travaux parlementaires de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. L’article L.3131-1 du code de la santé publique (CSP) alors en vigueur permettait alors au ministre chargé de la santé, « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas d’épidémie», de prescrire toute mesure nécessaire pour prévenir et limiter les conséquences sur la santé de la population, mais les mesures à prendre n’étaient pas suffisamment précise pour conforter la sécurité juridique de celles, inédites, prise la semaine dernière dans le cadre d’une épidémie avérée ayant dépassé le stade de la simple menace.
En outre, le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 limitant les déplacements a été pris par le Premier ministre dans le cadre de ses pouvoirs de police générale, en application d’une ancienne théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles datant de la fin de la Première guerre mondiale (CE 28 févr. 1919, Dames Dol et Laurent).
Pour donner une base légale solide aux futures mesures qui seront probablement prises, le Gouvernement a souhaité créer un nouveau régime d’état d’urgence sanitaire, qui fait l’objet du titre II de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, fortement inspirée de la loi n° 55-383 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
Ces nouvelles dispositions intégrées au CSP ont pour objet d’accorder à l’autorité administrative des prérogatives exorbitantes de droit commun en cas de « catastrophe sanitaire », qui pourront s’appliquer à d’autres crises que celle du Covid-19. L’approche est graduée : le ministre chargé de la santé est compétent pour traiter une menace sanitaire, le Premier ministre pouvant prendre des mesures plus strictes en cas de catastrophe sanitaire, avec des mesures plus restrictives en termes de libertés.
Le dispositif repose ainsi sur les principes suivants (art. 2.3° de la loi) :
Toutes ces mesures sont susceptibles des recours d’urgence devant le juge administratif, à savoir le référé-suspension et le référé liberté (art. L.3131-25-1 du CSP), qui contrôlera leur caractère adapté, nécessaire et proportionné pour atteindre l’objectif d’ordre public qu’elles poursuivent. (CE, 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image, req. n° 317827). En outre, le Parlement est informé par le Gouvernement « sans délai » de toutes les mesures prises.
La violation des mesures et obligations est punie :
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de six mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende s’agissant des mesures de réquisitions ; |
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d’une contravention de la quatrième classe, soit un maximum de 700 euros (ou 135 euros pour l’amende forfaitaire), s’agissant des autres mesures. |
S’agissant de l’indemnisation des mesures de réquisition, pour mémoire, celle-ci relève du régime du code de la défense (CD), par renvoi du 7° de l’article L.3131-23 du CSP. Selon l’article L.2234-1 du CD, la rémunération des prestations requises dues au prestataire compense uniquement la perte matérielle, directe et certaine que la réquisition impose. Elles tiennent compte exclusivement de toutes les dépenses qui ont été exposées d’une façon effective et nécessaire par le prestataire, de la rémunération du travail, de l’amortissement et de la rémunération du capital, appréciés sur des bases normales. En revanche, aucune indemnité n’est due pour la privation du profit qu’aurait pu procurer au prestataire la libre disposition du bien requis ou la continuation en toute liberté de son activité professionnelle.
Enfin, selon l’article L.2234-3 du CD, des indemnités complémentaires sont allouées éventuellement, sur justifications, pour compenser des préjudices non indemnisés.
Il existe une jurisprudence fournie en matière d’indemnisation de réquisition, qui devrait probablement s’enrichir prochainement compte tenu des réquisitions possibles de stocks de protections, de médicaments, d’outils de production ou encore d’hôtels.
2. Habilitation donnée au Gouvernement pour légiférer en matière de droit du travail
Le Gouvernement est habilité, par la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, à légiférer par ordonnance, pour 3 mois à compter du 23 mars 2020, si nécessaire de manière rétroactive au 12 mars 2020, s’agissant (art. 11, 1°, b) de la loi) :
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3. Habilitation donnée au Gouvernement pour légiférer en matière de fonctionnement des entreprises
Le Gouvernement est également habilité, par la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, à légiférer par ordonnance, pour 3 mois à compter du 23 mars 2020, s’agissant des sujets suivants (art. 11, I, 1°, a), c) à g), 2° f) à h) :
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4. Habilitation donnée au Gouvernement en matière administrative et contentieuse
Le Gouvernement est aussi habilité, par la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie, à légiférer par ordonnance, pour 3 mois à compter du 23 mars 2020, pour prendre toute mesure (art. 11,I, 2°, a) à f) et i) :
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5. Elections municipales
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 tire les conséquences des conséquences du report du second tour des élections municipales (art. 19).
Immédiatement après le premier tour, une circulaire interministérielle du 17 mars 2020 demandait aux communes disposant de conseils municipaux complets après le premier tour (i.e ayant vu une liste remportée la majorité des suffrages) de se réunir entre les 20 et 22 mars pour élire leur maire.
L’organisation de ces élections aurait toutefois été risquée d’un point de vue sanitaire quelques jours après l’entrée en vigueur des mesures de confinement et, en outre, aurait eu pour conséquence de fragiliser, juridiquement, le fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunales à fiscalité propre (EPCI), dont les conseillers communautaires sont élus au suffrage universel direct à l’occasion des élections municipales.
En effet, certains conseils communautaires des EPCI se seraient révélés incomplets : les communes disposant d’un conseil municipal complet auraient eu des conseillers communautaires déjà élus, à la différence des communes devant encore organiser un second tour. A l’issue du premier tour, 56% des EPCI ne disposaient pas d’un conseil communautaire complet.
Une intervention du législateur était donc indispensable pour, déjà, fixer une nouvelle date pour le second tour et, ensuite, organiser la continuité du fonctionnement des communes et EPCI durant cette période transitoire.
Sur ces différents sujet, la loi, après des modifications substantielles apportées par le Sénat au projet du Gouvernement, largement reprises par l’Assemblée nationale, organise cette période de la manière suivante :
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Un rapport remis au Parlement au plus tard le 10 mai 2020 traitera du développement de l’épidémie de Covide-19 et préconisera les précautions à prendre pour les réunions des conseils municipaux et conseils communautaires complets à l’issue du premier tour et l’organisation du second tour.
Enfin, le Gouvernement est aussi habilité à légiférer par ordonnance notamment en matière (art. 20, 1° à 3° et 5°) :
– d’organisation du second tour du scrutin pour le renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon ;
– de financement et au plafonnement des dépenses électorales et à l’organisation de la campagne électorale ;
– de règles en matière de consultation des listes d’émargement ;
– de modalités d’organisation de l’élection des maires, des adjoints aux maires ainsi que des présidents et vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
6. Simplification du fonctionnement des collectivités territoriales
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 dispose également :
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Toujours pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux des collectivités territoriales en cette période d’épidémie, le Gouvernement est aussi habilité à légiférer par ordonnance en matière (art. 11, I°, 8°, a) à g) :
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